Le « retard » de productivité du Québec :
constats et diagnostics

Il existe un consensus dans la littérature empirique à l'effet que le Canada et le Québec accusent un retard au chapitre de la productivité par rapport aux États-Unis. Toutefois, ce constat est dressé à partir de données agrégées pour l'ensemble de l'économie. Or, il importe de distinguer les différences de productivité observées entre deux économies qui proviennent de la productivité pure (effet du progrès technique) de celles qui sont dues à la différence de taille des entreprises (effet d'échelle) ou de structures économiques (effet de structure), parce qu'une politique économique visant à accroître les gains de productivité n'aura d'effet que si la différence de productivité découle du progrès technique.

Ce rapport de recherche avait donc pour objet d'évaluer les composantes de l'écart de productivité entre le Québec, l'Ontario, l'ensemble du Canada et les États-Unis. Pour ce faire, la méthodologie employée a consisté à calculer un indice de croissance de la productivité totale des facteurs (PTF) – agrégé d'abord et sectoriel ensuite – à partir de données provenant de l'ensemble des industries du secteur manufacturier.

À la lumière des résultats obtenus de l'analyse empirique, on constate que le retard de productivité relativement aux États-Unis au niveau agrégé n'est pas un problème spécifiquement québécois mais plutôt canadien. En effet, nos résultats font état d'un écart de productivité notable entre les États-Unis et le Canada mais négligeable entre le Québec, l'Ontario et l'ensemble du Canada.

En approfondissant les comparaisons entre les industries québécoises et ontariennes, on s'aperçoit que la tendance générale de l'évolution de la production au Québec est relativement à la baisse et continuellement en deçà du niveau canadien, contrairement à l'Ontario. On constate en outre que les manufactures du Québec détiennent une bonne avance en matière de productivité du travail mais affichent un certain retard au chapitre de la productivité du capital et de la productivité totale des facteurs. L'avance en termes de productivité du travail s'explique vraisemblablement par la chute encore plus importante du nombre d'heures payées par rapport à celle du niveau de production. Quant au retard de productivité du capital, il appert que la croissance des investissements en stock de capital jumelée à la baisse du niveau de production a contribué à faire diminuer la productivité relative du capital.

L'analyse désagrégée nous a ensuite permis d'isoler les effets sectoriels et de structure sur le niveau global de productivité. Cette approche a permis d'établir que les différences de taille des entreprises et de structure des économies n'ont pas d'impact très important sur l'évolution des écarts de productivité entre le Canada, le Québec et l'Ontario. Globalement, la productivité du secteur manufacturier québécois est tout à fait comparable à celle de la moyenne canadienne et de l'Ontario. Certains secteurs sont en avance dont ceux des textiles, des pâtes et papiers, des produits électriques et électroniques, des transports, de l'imprimerie et des produits chimiques alors que d'autres montrent un retard évident : le tabac, le bois et la foresterie, les minéraux non métalliques et les métaux primaires.

Ces résultats, quoiqu'ils puissent sembler rassurants, ne diminuent en rien le fait que la productivité du secteur manufacturier canadien est nettement inférieure à celle du secteur manufacturier américain. Il importe donc aux gouvernements au Canada, incluant celui du Québec, de mettre en place les réformes nécessaires afin d'alléger le fardeau fiscal et réglementaire des entreprises, comme l'ont fait d'autres gouvernements ailleurs dans le monde, de manière à favoriser une plus grande croissance de la productivité, celle-ci étant incontestablement à la base de la croissance économique des pays et du niveau de vie des individus.

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