Impact de la modification de la structure tarifaire américaine sur les exportations bioalimentaires québécoises - Partie 2 : Structure du commerce et des investissements directs étrangers des principaux produits agricoles transformés du Canada
Dans le cadre de l’ALENA, le Canada bénéficie d’une position tarifaire préférentielle avec son principal partenaire à l’exportation, les États-Unis. Cependant, l’administration américaine en place depuis 2017 a émis sa volonté de renégocier cet accord. De nouveaux éléments pourraient être mis sur la table comme un durcissement des barrières au commerce (comme les droits de douane) afin de protéger certains secteurs. Une question importante pour le décideur est de savoir si le passage d’un tarif préférentiel à un tarif NPF (Nation la plus favorisée) réduirait la présence des entreprises canadiennes sur le marché américain.
Le présent rapport de recherche a pour principal objectif d’analyser l’impact d’une modification de la politique commerciale des États-Unis sur la structure du commerce et des investissements directs étrangers des principaux produits agricoles transformés. Les objectifs spécifiques sont :
- Pour les produits du cacao, du porc et des préparations de légumes, estimer les élasticités au commerce des droits de douane et du taux de change en tenant compte des marges intensive et extensive ;
- Estimer les élasticités des droits de douane et du taux de change sur le rapport entre les investissements directs étrangers et le commerce des produits agricoles transformés.
Dans la première section, nous avons analysé les probabilités de sortie des entreprises canadiennes du marché américain. Une approche méthodologique s’appuyant sur la littérature sur les modèles de gravité est utilisée. Les données couvrent la période allant de 1997 à 2016. Les pays concernés dans l’étude sont le Canada et ses principaux partenaires à savoir les États-Unis, le Mexique, les pays de l’Union européenne, la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Les produits analysés sont le chocolat, le porc et les préparations de légumes. Selon nos résultats, il est peu probable que les entreprises canadiennes arrêtent leurs exportations vers les États-Unis. Advenant l’application du droit de douane NPF, la probabilité d’exporter vers les États-Unis ne changera pas pour le porc (le droit de douane NPF est présentement nul), et baissera de moins de 1 point de pourcentage pour le chocolat et les légumes. Une augmentation des droits de douane de 1% se traduira par une baisse de la valeur du commerce de 1,25% pour le porc, 7,99% pour le chocolat et 1,61% les légumes.
Dans la deuxième section, nous étudions la possibilité que la fermeture du marché américain réduise le commerce canadien vers ce dernier en favorisant, alternativement, plus d’investissements directs étrangers (IDE). Pour cette , nous nous appuyons sur des données d’IDE des pays de l’Union européenne et des États-Unis. En effet, pour ces pays, il existe des données bilatérales de flux d’IDE. Nous pensons cependant que cela nous permet d’inférer un certain nombre de résultats qui pourraient s’appliquer à la dynamique IDE/exportations du Québec, plusieurs des entreprises réalisant des IDE aux États-Unis étant des multinationales. L’élasticité du tarif par rapport au poids des IDE dans la structure des échanges (rapport des IDE par rapport aux importations) des produits agricoles transformés est de 1,08. Ainsi, si les États-Unis appliquent un droit de douane NPF aux importations européennes, le poids des IDE aux États-Unis par rapport aux importations américaines augmenterait d’environ 2 points de pourcentage ce qui est relativement faible. Pour les secteurs à l’étude, un changement modéré des tarifs ne constituerait donc pas le principal déterminant d’une réallocation des IDE.
Les prix des intrants agricoles élevés dans le pays de destination influencent négativement la place des IDE dans la structure des échanges. Nos résultats indiquent que le prix du porc vivant, des légumes et du cacao dans les pays de destination réduit le poids des IDE. Si les tarifs passaient de 3,12% à 10%, et que les politiques internes permettaient une baisse de prix des intrants de production de 10%, le ratio IDE sur exportations des pays de l’UE vers les États-Unis passerait de 112,58% à environ 123% soit une hausse d’un peu plus de 9% du ratio. Des politiques commerciales associées à des politiques fiscales auraient donc pour effet de favoriser des investissements aux États-Unis au détriment du maintien de la structure de production au Canada.