Retraite et RVER au Québec : Enjeux et produits de décaissement
Dans le contexte des futurs Régimes Volontaires d’Épargne-Retraite (RVER) qui seront mis en place par le Gouvernement du Québec, nous verrons une plus grande part de responsabilité de l’individu quant à la gestion de ses risques financiers liés à sa retraite. L’un de ces risques personnels se situe au moment de la retraite, quand on retire de l’épargne pour le transformer en revenus de retraite. Plusieurs options s’offrent. Par exemple, rentes, polices de fonds distincts, ou produits à garantie de revenu viager (GRV).
C’est le thème du rapport : « Retraite et RVER au Québec - Enjeux et produits de décaissement ».
Ce qui ressort de ce rapport est surtout la situation inhabituelle de restructuration des produits à GRV en cette période de crise économique, et les enjeux autant du point de vue de l’épargnant que de la compagnie d’assurance. Des raisons expliquant la restructuration des produits ont été recensées et sont présentées.De plus, le rapport offre un survol des produits, des pistes d’idées sur le décaissement avec des exemples à l’international, et une analyse quantitative des GRV. Finalement, l’Équipe Pension du CIRANO offre une proposition préliminaire que le Gouvernement pourrait considérer, dont pourrait bénéficier les travailleurs qui épargneront dans la structure des RVER.
Mandat : Gérer le risque de décaissement
Notre mandat dans ce second projet concerne les options offertes au moment de la retraite pour les travailleurs ayant épargné dans un compte de type RVER. Plus précisément, notre mandat aura été d’identifier et d’évaluer les différents risques auxquels font face les travailleurs qui devront décaisser leur épargne afin de la transférer vers le véhicule le plus approprié pour leur fournir un revenu de retraite adéquat et qui viendra remplacer leur revenu de travail. Nous passons donc d’un défi à l’autre; du défi d’épargner suffisamment, nous passons à un enjeu d’allocation optimal des montants d’épargne en vue de générer un revenu de retraite. Un potentiellement sérieux risque de timing (une forme de risque de marché) est inhérent au transfert des épargnes vers un véhicule de retraite puisqu’il n’est pas garanti que de bons rendements sur l’investissement soient au rendez-vous pendant la période de l’épargne, autant que de bons taux d’intérêt soient disponibles au moment du décaissement.
Survol : L’industrie et des produits de rente
En premier lieu, après l’introduction, ce rapport débute avec le survol des produits de décaissement (Section 2) incluant les rentes, les polices de fonds distincts (fonds mutuels avec garanties), ainsi qu’un produit hybride à garantie de retrait viager (GRV), aussi connu sous son acronyme anglais GMWB. Cette section présente donc l’état actuel de l’industrie au Québec et au Canada. L’offre de cette industrie est présentement en restructuration, conséquence de la situation de taux d’intérêt historiquement bas et de réglementation plus stricte. De ce fait, chercher à bien connaître dans les détails toutes les spécificités de ces produits (surtout les produits à garantie de retrait à vie, ou GRV) s’apparente à viser une cible mobile. Il s’agira là de l’un de nos premiers constats : l’état de l’industrie des produits à GRV, étant en profonde remise en question, démontre que certains produits ne supportent pas l’épreuve du temps. Cette considération nous semble très centrale dans l’élaboration de recommandations robustes pour l’ensemble des futurs retraités québécois disposant de leurs sommes accumulées dans un RVER.
International : Des précédents observés ailleurs
À la fin de la Section 2, nous présentons quelques approches internationales, pour l’instant limitées aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les deux expériences américaines, TIAA-CREF et BlackRock, sont conceptuellement liées puisqu’elles incorporent toutes deux l’utilisation de rentes différées durant la période d’accumulation. Ces approches poussent à incorporer les enjeux de décaissement durant la période d’accumulation, les deux périodes étant intimement liées. L’approche britannique présentée n’est qu’un bref aperçu de ce que le National Employment Savings Trust (NEST) envisage comme approche de décaissement. Le NEST est un fonds mis sur pieds par le gouvernement britannique et auquel nous avons maintes fois référé dans notre précédent rapport, intitulé « Pensions 4-2 au Québec : Vers un nouveau partenariat ».
Analyse quantitative : Les limites des produits à Garantie de Retrait Viager (GRV)
La troisième section du rapport présente une analyse technique détaillée des produits GRV à l’aide de simulations de rendements sous différents environnements financiers. Ici, contrairement aux attentes souvent générées par l’industrie financière ou même par la littérature académique, nous observons qu’un tel produit serait incapable de les combler dans un environnement économique tel que celui dans lequel nous nous trouvons depuis quelques années (2008-2012).
- Si le rentier vit au moins jusqu’à l’âge de 80 ans, il aurait une chance sur deux de se retrouver avec l’équivalent d’une rente viagère non indexée, à des frais vraisemblablement supérieurs.
- Les hausses annuelles de la base de retrait des produits GRV sont anticipées comme étant relativement modestes, la plupart des scénarios étant en deçà du taux cible d’inflation de 2 %.
- La valeur de l’actif sous-jacent, soit le portefeuille du rentier diminue rapidement, mais surtout par le décaissement effectué par le rentier. Les scénarios moyens et médians ne semblent pas menacer l’exécution d’une garantie sur le capital net au décès, mais des scénarios de rendements plus pessimistes pourraient mettre en péril la viabilité financière d’un produit garanti, du point de vue de la compagnie d’assurance
Propositions CIRANO : Un produit de rente par obligations échelonnées
Finalement, ce rapport contient une proposition mise de l’avant par l’équipe du CIRANO qui est constituée d’obligations à zéro-coupon du gouvernement du Québec, échelonnées de façon à générer une rente quasi viagère de manière « synthétique » qui mérite que l’on s’y attarde dans le cadre de projets futurs. Cette proposition sort du modèle actuariel habituel du monde de l’assurance pour utiliser des outils classiques des marchés financiers standards : des obligations gouvernementales. En allouant une portion de son portefeuille de titres à revenu fixe avec des obligations zéro-coupon du gouvernement, et avec une maturité spécifique, l’épargnant peut se constituer une rente de retraite viagère « synthétique », c’est-à-dire avec les caractéristiques d’une rente sans être une rente viagère au sens des compagnies d’assurance. Considérant la structure de coût très élevée pour des produits de rentes, les aspects institutionnels, de mise en marché, et autres, il nous semble qu’une autre approche pourrait être plus avantageuse pour les épargnants du RVER
De plus, cette approche doit être analysée dans un contexte plus large que celui du simple décaissement, puisqu’elle pourrait permettre également une approche par « cycle de vie » dynamique au courant de la phase d’accumulation, c’est-à-dire lier la phase de décaissement à la phase d’accumulation. La raison pour laquelle ces deux phases sont intimement liées est qu’un épargnant contribuera à son RVER avec un seul objectif en tête : se constituer un revenu de retraite.
Ainsi, il se pourrait qu’un portefeuille constitué principalement en fonction de l’âge de l’épargnant puisse ne pas être directement lié à l’objectif de revenu de retraite, ni même aux conditions du marché.
Qui plus est, une approche qui rééquilibre le portefeuille selon l’âge plutôt que selon les conditions de marché et de l’objectif de retraite pourrait générer davantage de risques qu’un portefeuille à ratios fixes (ce qui n’est pas une recommandation, mais bien un point de comparaison). La raison de ce risque supplémentaire est très liée au contexte financier; un épargnant qui commence son cycle de vie dans des conditions de marché désavantageuses et étant exposé davantage aux marchés boursiers qu’aux marchés obligataires pourra difficilement rattraper ces pertes dans le futur puisque son exposition aux mouvements positifs futurs des marchés boursiers diminuera dans le temps en faveur de placements plus stables. Donc, un choc initial négatif avec l’effet cumulatif sur une longue période sera cristallisé dans le portefeuille de l’épargnant au fur et à mesure que celui-ci s’éloigne d’un portefeuille « actions » vers un portefeuille « obligations ».
Ces réflexions et propositions sont élaborées dans la dernière section du rapport.