Analyse comparative des mécanismes de financement des hôpitaux

Nous allouons toujours plus de deniers publics dans l'espoir d'accroître la disponibilité de services à la population et c'est le contraire qui semble se produire. L'attente pour les services médicaux et pour les chirurgies électives demeure élevée. D'autres juridictions ont amélioré leurs résultats à cet égard. Cette analyse compare les réformes de santé de 6 juridictions afin de déterminer s'il existe des mécanismes de gouvernance, en particulier de rémunération des hôpitaux, qui incitent à une plus grande productivité; elle fait ressortir les différences avec le système québécois et propose des changements à y apporter pour l'améliorer.

L'analyse comparative de données macroéconomiques de santé révèle que les dépenses publiques de santé par habitant du Canada sont plus élevées que celles des autres pays analysés. Celles du Québec sont légèrement inférieures aux dépenses canadiennes et danoises, mais plus élevées que celles de la Grande-Bretagne et de la Finlande. Nous avons moins de médecins par 1000 habitants que dans les autres pays, mais plus de visites sont effectuées par médecin. Par ailleurs, l'activité par 1000 habitants dans les hôpitaux est moins élevée.

Alors existe-t-il un moyen d'accroître la productivité de nos institutions de santé?

Les mécanismes de financement sont un des moyens qui peut conduire les établissements à adopter des comportements en lien avec les objectifs du système de santé. Cependant, chaque mécanisme de paiement pris indépendamment ne permet pas d'atteindre tous les objectifs d'un système de santé. En plus, l'environnement dans lequel il est implanté va influencer son efficacité à atteindre les objectifs.

En effet, aucun mécanisme de financement des hôpitaux ne satisfait seul l'ensemble des objectifs du système de santé. On observe que les réformes des mécanismes de financement sont généralement un processus évolutif qui avait pour point de départ la volonté des gestionnaires des systèmes d'améliorer leurs connaissances des activités des hôpitaux et du poids de ces dernières dans l'utilisation des ressources. Le plus souvent, on observe une évolution du mode de financement par budget historique vers un budget alloué selon une estimation des activités. Éventuellement, une portion où tout le budget est alloué rétrospectivement par cas.

Les analyses empiriques révèlent que le financement par cas est efficace pour accroître le niveau d'activités et la productivité des hôpitaux, mais qu'il fait augmenter les coûts totaux du système. En effet, plus d'activités signifient des coûts totaux plus élevés si le niveau total des activités augmente et que le tarif payé est égal ou supérieur au coût moyen des activités. Mais la volonté d'augmenter l'activité est précisément la raison pour laquelle une juridiction implante un tel système. Si le budget total ne doit pas augmenter, il faut prévoir un mécanisme qui vise à l'empêcher.

Dans les juridictions analysées, le financement à l'activité a été implanté en même temps que les budgets de la santé ont été augmentés. Il est donc difficile de dire si l'activité a augmenté à cause de l'incitation liée au mécanisme de financement où parce que les budgets ont augmenté. Par ailleurs, les principaux désavantages associés au financement à l'activité, dont le risque d'observer une baisse des durées de séjour et de la qualité des services, la sélection des patients ou une propension à manipuler le codage des activités effectuées, n'ont pas été observés.

En Grande-Bretagne, l'augmentation de l'activité a été liée à l'instauration de mécanismes de concurrence par une plus grande transparence des résultats des hôpitaux et par la possibilité des patients de choisir leur hôpital. Au-delà des mécanismes de financement, d'autres caractéristiques institutionnelles ont été observées comme étant fondamentales à un système efficace. Par exemple, la décentralisation de la responsabilité d'organiser les services, la séparation des fonctions d'achat et de prestation de services de santé, le financement tout au long du cycle de soins et surtout la transparence des données sur les coûts par cas et sur les résultats des services sont des caractéristiques institutionnelles observées dans les autres juridictions. Ces mêmes caractéristiques sont pour la plupart à l'opposé des tendances observées au Québec.

En somme, l'analyse des stratégies adoptées à l'extérieur du Canada et du Québec ne fait que confirmer que le Québec a été timide à bien des égards dans ses réformes de santé et que le temps est venu d'y remédier. Modifier les mécanismes de rémunération des hôpitaux ne suffira pas à améliorer l'efficience de notre système de santé. Cette stratégie pourrait même générer des effets opposés à ceux escomptés.

Toutefois, il serait possible d'obtenir des gains importants d'efficience et d'améliorer la réponse aux besoins de la population en santé, simplement en adoptant des stratégies qui pour plusieurs sont fondamentales à l'efficience de toute organisation. On pourrait observer rapidement une augmentation de la productivité de nos organisations de santé si le ministère de la Santé acceptait de modifier sa façon d'intervenir, de faire davantage confiance dans notre réseau qui recèle de compétences et de se concentrer sur le soutien au réseau.

Ce soutien pourrait se décliner en 5 stratégies qui résument nos recommandations, dont :

• Publier des données comparatives sur les coûts par cas et sur les résultats des hôpitaux;

• Décentraliser la responsabilité d'organiser les services de santé;

• Mandater une organisation indépendante pour assurer le contrôle de la qualité des organisations et de leur viabilité financière;

• Lier le financement des prestataires de services à l'amélioration de la valeur tout au long du cycle de soins;

• Reconnaître que les politiques publiques efficaces sont dynamiques et évoluent continuellement en fonction des résultats.

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