De l'efficacité des dépenses fiscales pour l'achat d'actions : le cas du régime d'épargne-actions du Québec

Le Régime d'épargne-actions du Québec (RÉAQ) est l'un des plus anciens programmes de dépenses fiscales mis en place par le gouvernement pour capitaliser les petites entreprises. Ce programme a été étudié puis instauré dans deux autres provinces. Son principal objectif est d'augmenter la demande de titres nouvellement émis. Cette augmentation de la demande provoque normalement une augmentation du prix des titres, ce qui diminue le coût des fonds propres. Bien qu'implanté depuis 25 ans, il existe peu d'analyses de l'efficacité du RÉAQ. Dans le cadre de la présente étude, nous étudions conceptuellement puis empiriquement ce programme, pour déterminer s'il constitue un moyen efficace d'aide au financement des entreprises en croissance.

Nous examinons brièvement les arguments utilisés pour justifier ce programme, puis résumons son évolution et les résultats des études antérieures. Il ressort que le RÉAQ a été très fréquemment modifié, et que les entreprises visées ont été successivement les grandes, les petites puis les moyennes entreprises, ainsi que les fonds d'investissement (Partie 1). Notre analyse conceptuelle de la rationalité et des conditions de succès de ce type de programme permet de comprendre les raisons de ces ajustements successifs et des problèmes vécus par le programme (Partie 2). Nous montrons que plusieurs conditions doivent être réunies pour obtenir une diminution significative du coût des fonds propres des émetteurs. L'émission doit être vendue intégralement ou presque au Québec, à des investisseurs individuels et constituer un premier appel public à l'épargne. Les émissions subséquentes sont en effet vendues au prix du marché, et l'investisseur est dans ce cas le seul bénéficiaire du crédit d'impôt. La même situation prévaut si les actions sont vendues à des investisseurs non imposables, ou à des non-résidents du Québec. Seules de petites entreprises, réalisant des premiers appels publics à l'épargne dont le produit brut est assez limité pour être placé entièrement au Québec, peuvent remplir les trois conditions nécessaires au succès en termes de politique publique.

Dans la troisième partie, nous analysons les émissions RÉAQ entre 1992 et 2002, et montrons que peu d'entre elles satisfont aux conditions d'efficacité du programme. Tel qu'il fonctionne depuis 1992, le programme profite vraisemblablement davantage aux investisseurs qu'aux émetteurs. En effet, les émissions sont très largement vendues hors Québec à des investisseurs non admissibles, qui ne bénéficient pas du crédit. Les émissions subséquentes sont devenues majoritaires. Le prix est fixé par le marché et un effet significatif sur le coût de financement est peu probable. Il est possible cependant que le programme ait pour effet d'augmenter la demande des titres, et de permettre des émissions qui n'auraient pas lieu autrement. La très forte activité d'émission dans toutes les provinces permet de douter de cet argument. Les fonds RÉAQ détiennent principalement des actions de grandes entreprises. Sur la base des proportions détenues dans le capital de petites sociétés en croissance, il semble peu probable qu'ils jouent un rôle déterminant dans le financement de ces sociétés. Par ailleurs, cet effet est obtenu à un coût élevé pour le gouvernement.

Actuellement, les conditions de fonctionnement du RÉAQ rendent peu probable un effet significatif sur le coût du capital des entreprises en croissance. Nous proposons, en conclusion, un certain nombre d'avenues de recherche qui permettraient de confirmer les preuves indirectes présentées dans cette étude.

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